Matthias Bruggmann

Awarded

Matthias Bruggmann

Série photographique 'Iraq'

Photographie

Rapport du jury

Images de la dévastation
Com­ment té­moi­gner de la guerre? Le pho­to­graphe lau­san­nois Ma­thias Brugg­mann montre des mo­ments du conflit ira­kien. D'un re­por­tage de pho­to­jour­na­lisme, on at­tend sur­tout qu'il soit au contact im­mé­diat de l'évé­ne­ment. Mais Ma­thias Brugg­mann se tient le plus sou­vent à dis­tance de la guerre pro­pre­ment dite. Pour sa série pho­to­gra­phique 'Iraq', qui montre ce pays se­coué par une guerre ci­vile, sous l'oc­cu­pa­tion amé­ri­caine, il s'est donné une double tâche: d'une part, pra­ti­quer le pho­to­jour­na­lisme,et d'autre part dé­ve­lop­per néan­moins une vi­sion per­son­nelle. Ainsi ses pho­tos montrent-elles des champs pé­tro­li­fères en feu, ou des sol­dats en train de pro­cé­der à des contrôles. Mais Brugg­mann réa­lise aussi des images in­at­ten­dues, et char­gées mé­ta­pho­ri­que­ment, comme celle d'un mi­roir brisé, ou d'une ma­quette ar­chi­tec­tu­rale dé­truite. Il cherche en outre à don­ner un re­flet des condi­tions du re­por­tage pho­to­gra­phique, en mon­trant le tra­vail de ses col­lègues. Ainsi, sur l'une de ses prises de vue, on peut voir com­ment les pro­jec­teurs sont ins­tal­lés avant qu'une équipe de té­lé­vi­sion se mette à fil­mer. Ce re­gard der­rière les dé­cors nous montre le dis­po­si­tif mé­dia­tique, om­ni­pré­sent et for­te­ment contrôlé, sans le­quel nous ne pour­rions nous faire au­cune image de ce foyer de conflit.
Des es­paces aban­don­nés et des pay­sages dé­vas­tés montrent la souf­france et la mi­sère, sans que les hommes eux-mêmes ap­pa­raissent dans l'image. Dans d'autres pho­to­gra­phies, ils sont pré­sents, au contraire, comme ré­fu­giés, ou même à l'état de ca­davres. La série de cli­chés de Brugg­mann ne se contente pas du récit des faits. Elle livre des images d'am­biance, sombres, et presque apo­ca­lyp­tiques. Le re­gard per­son­nel du pho­to­graphe force le spec­ta­teur à consi­dé­rer ses oeuvres avec at­ten­tion. Son lan­gage vi­suel ori­gi­nal se ma­ni­feste aussi dans la façon in­ha­bi­tuelle dont son tra­vail est pré­senté. C'est une mo­saïque en douze par­ties. Avec ses cou­leurs bla­fardes, cette série peut être lue à dif­fé­rents ni­veaux, ce qui en fait un do­cu­ment pas­sion­nant sur notre époque, en même temps qu'un essai pho­to­gra­phique ré­flexif, qui gar­dera sa va­leur au-delà du mo­ment pré­sent.
Peter Stoh­ler

Biographie

Matthias Bruggmann
Né/Née en
1978
Formation
Photographe