Starkes Ding
Dans ce roman graphique en noir et blanc imprimé sur un papier épais, la maquette interagit souvent adroitement avec le dessin. Le livre raconte l’histoire du père de l’autrice Lika Nüssli, enfant placé dans une famille de paysans du Toggenburg dans les années 1950. Les dessins au trait noir épais, de tailles variables, et les éléments de texte manuscrits – cartouches ou bulles – ne sont pas encadrés, mais disposés librement sur la page. Le récit est entrecoupé de pages presque vides qui contiennent simplement une ou deux brèves notations en caractères de machine à écrire (ce sont souvent des comptes-rendus de la météo), qui évoquent les entrées d’un journal intime. Rédigées par le père de Nüssli dans les années 2000, elles forment une histoire parallèle qui interagit avec le récit dessiné. Composés avec les mêmes caractères de machine à écrire, les numéros de page et des explications lexicales de mots en dialecte utilisés dans le texte, sont placés dans le bord inférieur. Une page noire, visible sur la tranche, atteste de la collaboration étroite entre l’autrice et l’équipe graphique. Elle marque le moment où le jeune garçon est placé par ses parents. Le graphisme se saisit du matériau avec beaucoup de respect, la vitesse et le rythme sont admirables. On comprend ainsi qu’un tel récit reconstitué de mémoire ne peut être que lacunaire, et on ressent l’urgence et l’intensité avec lesquelles il a été raconté pendant la pandémie – à un moment où le père de l’autrice avait déjà plus de 80 ans.