Old Masters
Œuvres plastiques totales
Prix suisse des arts de la scène 2024
En 2014, le comédien et dramaturge de 34 ans Marius Schaffter, le scénographe et artiste visuel de 33 ans Jérôme Stünzi et l’autrice, artiste visuelle et scénographe de 30 ans Sarah André, alias André André, créent le collectif théâtral genevois Old Masters. Concevant la représentation théâtrale comme une œuvre plastique totale, ils créent des univers à l’esthétique puissante, insolite et radicale. Pour chaque projet, ils s’approprient et réagencent les pratiques et les discours les plus variés – qu’ils soient artistiques, politiques, scientifiques ou liés au quotidien. À l’aide de ses armes favorites que sont l’absurde, la sincérité, la bienveillance, l’ironie, la beauté, la tristesse et la douceur, Old Masters invite à faire l’expérience, collectivement, de ce que pourrait être la liberté aujourd’hui, une liberté enracinée, changeante, toujours à la recherche d’elle-même. Les trois membres du collectif réalisent aussi leurs propres projets et collaborent avec d’autres artistes comme Nicholas Stücklin, Sofia Teillet, Joana Oliveira, Charlotte Herzig, Jonas Bühler ou encore Jérémy Chevalier.
Leur pièce la plus récente (2022), « La Maison de mon esprit », a priori destinée à un jeune public de 5 à 10 ans, enthousiasme en fait petits et grands, en Suisse comme à l’étranger, d’autant qu’elle a été pensée dès sa création en version plurilingue. Elle a notamment été présentée pour l’ouverture de jungspund – le festival de théâtre de Saint-Gall – au printemps 2024. Dans cette création, Jonathan rend visite à Kim, Klöb et Mauro, qui « font des choses avec des objets », construisant un refuge qui leur permet de déconstruire le monde que nous croyons connaître pour en construire un autre. Dans une logique de durabilité, le collectif a utilisé pour le décor des éléments de ses précédentes créations. Quant à leur première pièce, « Constructionisme » (2014), il s’agit d’une sorte d’exposé présenté en duo par Marius Schaffter et Jérôme Stünzi, un dispositif performatif et en grande partie improvisé qui consiste à disséquer un objet en dialogue avec le public, fondant ainsi une sorte de critique artistique. La pièce, qui a reçu en 2015 le prix Premio, est toujours régulièrement présentée, y compris dans des musées. Parmi les autres créations du collectif, on peut citer « Fresque » (2016), « L’Impression » (2018), Le « Monde » (2019) et « Bande originale » (2021), qui font d’ailleurs toujours partie de leur répertoire.
En ces temps difficiles, marqués par des problèmes environnementaux, culturels, sociaux et politiques, le travail d’un collectif comme Old Masters est précieux parce qu’il se situe au-delà des limites imposées par l’activisme. Cet ensemble théâtral relève le défi de combattre l’absurdité des attitudes négatives et destructrices qui domine notre monde par l’absurdité positive et constructive de ses productions artistiques. En créant, littéralement, des univers riches en images, le collectif genevois propose un choix de modalités pour explorer l’espace, le temps, la matière et les relations humaines – et, en définitive, faire face à la vie. Une contribution dont la société contemporaine a grandement besoin pour regarder vers le futur.
Demis Quadri, membre du jury