« Il ne s’agit pas simplement de réaliser une commande. Il s’agit plutôt de donner de la valeur et une touche de magie au matériau utilisé. »
« J’ai appris que le travail et la recherche prennent tout leur sens et deviennent un plaisir quand on a tout donné et que l’énergie qu’on en retire est supérieure à l’énergie investie. Cela implique aussi d’être touché intérieurement. Ce qui me motive, c’est la proximité, le fait de participer au processus artistique, au développement, aux remises en question, à la décision, d’être complice. »
« J’ai développé beaucoup de projets sur la base de rêves, d’idées, de désirs. J’ai agi sans garanties, parfois sans autorisation. Au travers d’une imagination intime, les rêves peuvent devenir réalité. »
Dans la vallée de la Sitter, à la périphérie de Saint-Gall, un centre international d’art et de production occupe le site d’une ancienne teinturerie textile. Il abrite notamment la fonderie d’art de Saint- Gall, la fondation Sitterwerk et le Kesselhaus Josephsohn. La particularité de ce lieu à l’atmosphère sans prétention repose sur la coexistence de l’artisanat traditionnel et des dernières technologies, la réflexion artistique et une connaissance des matériaux hors du commun. C’est un espace propice non seulement à la concentration mais aussi aux échanges animés. La structure qui s’est développée au fil des ans – une sorte de cabane de chantier contemporaine tournée vers l’avenir – est pour l’essentiel l’oeuvre de Felix Lehner (né en 1960 à Saint-Gall). Elle comprend, d’une part, une entreprise de production en pleine effervescence et, d’autre part, une bibliothèque d’art, des archives de matériaux, des ateliers destinés aux artistes invités et des espaces de présentation. Aujourd’hui, une centaine de spécialistes aux profils variés travaillent en étroite collaboration avec des artistes du monde entier dans ces différents lieux.
Lorsque Felix Lehner a ouvert sa propre fonderie d’art à Beinwil am See en 1983, il avait 22 ans. Il était encore écolier quand il a su qu’il voulait devenir fondeur d’art. Comme il n’existait à l’époque aucune formation à ce métier et qu’il ne voulait en aucun cas travailler dans une fonderie industrielle, il a d’abord fait un apprentissage de libraire. Il a ensuite appris le métier de fondeur et ses bases théoriques de manière essentiellement autodidacte et a passé un an et demi en tant qu’ouvrier auxiliaire dans
une fonderie d’art. L’entreprise créée par Felix Lehner et transférée à Saint-Gall en 1994 emploie aujourd’hui près de quatre-vingts personnes et possède une filiale à Shanghai. Felix Lehner et sa fidèle équipe travaillent selon des méthodes de production souvent non conventionnelles, développées en étroite collaboration avec leurs donneurs d’ouvrage, des artistes avec lesquels ils entretiennent une certaine complicité.
Le sculpteur Hans Josephsohn (1920–2012) occupe une place particulière dans ce conglomérat d’artistes. Felix Lehner a découvert son oeuvre pendant sa formation de libraire, dans les années 1970, ce qui a donné naissance à une collaboration amicale. La première pièce en bronze qu’il a coulée dans sa propre fonderie était un relief de Josephsohn. Le Kesselhaus Josephsohn, ouvert en 2004, est tout à la fois un espace d’exposition, une galerie et le lieu de gestion du fonds de l’artiste. Il est étroitement lié à l’entreprise de fonderie par un effet de synergie. C’est également le cas de la fondation Sitterwerk, une structure à but non lucratif créée en 2006 comprenant une bibliothèque d’art, des archives de matériaux et un atelier. Ces liens entre les livres, les matériaux, l’ordre dynamique et la réflexion active en matière de durabilité, autant de domaines qui se nourrissent mutuellement et se complètent à merveille, sont appréciés non seulement des artistes, mais aussi des chercheurs, des musées et des architectes. Une idée apparemment utopique a ainsi donné naissance à un lieu important pour la culture et la société.